De retour aux affaires, un an après avoir été remercié chez les Espoirs, René Girard n'a toujours pas avalé la pilule mais est ravi de reprendre du service. Et de s'attaquer à un tout autre challenge qu'en sélection.
René Girard, comment vous êtes-vous retrouvé entraîneur de Montpellier ?
J'ai passé la saison à vadrouiller sur tous les terrains du coin : Nîmes, Montpellier, Barcelone… En deuxième partie de championnat, Rolland Courbis a annoncé qu'il allait arrêter d'entraîner Montpellier et j'ai rencontré Louis Nicollin un peu après. Il m'a demandé si j'étais intéressé pour le remplacer et nos discussions ont abouti vers la fin du championnat. Sans être un mort de faim, j'étais bien sûr attentif à tout ce qui pouvait se présenter à moi. Je ne me suis jamais dit quand j'allais voir les matchs de Montpellier à La Mosson que je voulais entraîner cette équipe. Mais je suis du coin et je connais bien la maison. J'ai longtemps joué à Nîmes et il y avait ces derbies contre Montpellier. Donc je connais tout le monde ici.
Peut-on dire qu'en rejoignant Montpellier vous joignez l'utile à l'agréable ?
Non, car j'avais de toute façon envie de replonger. Bon, il se trouve que c'est à Montpellier, ma région, donc tant mieux. Mais j'aurais de toute façon replongé, ici ou ailleurs. L'important était que je refasse à nouveau ce que j'ai envie, mais ça n'est pas venu d'une recherche de ma part. En plus, il y avait un désir des deux côtés de travailler ensemble, donc je n'ai pas cherché à m'éparpiller ni à savoir si on me voulait ailleurs ou pas. A partir du moment où j'ai senti que c'était faisable, nous sommes allés au bout dans les discussions. Nous avions un accord de principe, donc il n'y avait pas le feu.
Aviez-vous hâte de retrouver enfin un banc de touche après la fin de votre aventure chez les Espoirs en avril 2008 ?
Oui, oui. C'est notre boulot. J'avais toujours dit que je pourrais être amené un jour à coacher de nouveau une équipe de L1 ou de L2. C'est pour ça que c'est pour moi une grande satisfaction d'être l'entraîneur de Montpellier. En plus, le challenge qui m'a été confié est excitant et j'en suis très heureux.
« Je ne suis pas rancunier mais je n'oublie pas »
Avec le temps, avez-vous digéré ce licenciement ?
Oui. Nous avons des métiers qui ne sont pas toujours faciles, donc il faut toujours passer à autre chose. Je ne pensais pas que ce genre de choses puisse arriver au sein d'une fédération, mais c'est comme ça. Les choses sont claires pour moi. Comme je le dis toujours : je ne suis pas rancunier mais je n'oublie pas. Maintenant, il y a très longtemps que je ne vis plus à travers ça. Ça a été une période de ma vie et c'est tout. J'espère désormais que je vais pouvoir rebondir comme il faut et que ça ne sera plus qu'un mauvais souvenir. Il y a les déceptions sportives et celles des gens. Maintenant, je passe à autre chose.
Cette déception est-elle liée essentiellement au comportement des gens ?
Oui, tout à fait. Un comportement très peu courageux des gens. Maintenant, j'ai fait ce que j'avais à faire. Je m'occupais d'une équipe et j'ai toujours fait le maximum, donc je n'ai de leçons à recevoir de personne. Surtout de la part de ces gens-là. Sans savoir ni pourquoi ni comment, je tiens juste à dire qu'il y a dans la vie des choses qui ne se font pas. Celles-ci en font partie. Je m'en suis expliqué avec les intéressés et je sais maintenant qui j'ai en face de moi. Même si je le savais déjà un peu. Mais la vie continue et je n'ai plus qu'à me faire plaisir sur le terrain maintenant. Même si ça sera difficile car, quand vous êtes un promu, c'est toujours difficile de reprendre le rythme de la L1. Mais c'est également quelque chose de passionnant.
On connaît bien le René Girard sélectionneur mais comment est le René Girard entraîneur d'un club ?
Dans la gestion c'est complètement différent, car c'est un travail de tous les jours. Pendant onze mois sur douze, vous vous retrouvez tous les jours avec un groupe de 25 joueurs, c'est de la gestion permanente, donc il faut aborder les choses différemment. Maintenant, la philosophie, elle, ne change pas. Vu que c'est du quotidien, l'avantage est que l'on peut mettre plus facilement son emprunte. C'est un groupe que l'on désire et que l'on veut faire progresser, mais toujours avec les mêmes valeurs qu'en sélection : la rigueur, l'investissement. Mais avec beaucoup plus de temps pour faire passer le message.
« Loulou est un président attachant »
Sur quelles valeurs comptez-vous vous appuyer pour tenter de réussir ce challenge ?
Le football est un perpétuel recommencement ainsi qu'une mise en garde par rapport à l'objectif à atteindre, en l'occurrence le maintien. Je vais avoir un groupe jeune par l'âge mais également de par son expérience de la L1. Ils vont découvrir que la Ligue 1 c'est le top, mais aussi que c'est un championnat qui ne permet pas de relâchement. La L1 demande une concentration permanente et une vigilance de tous les instants. Il faut que tout le monde parte dans cet état d'esprit car ce sont 38 finales qui nous attendent. Il faudra en permanence une remise en question, avec toute l'exigence qu'implique le haut niveau.
Ne craignez-vous pas de collaborer avec Louis Nicollin, réputé pour être un président bouillant ?
Le football n'est pas simple. Il vaut même presque mieux avoir à faire à des gens bouillants avec du tempérament mais avec lesquels vous savez où vous allez que l'inverse. Maintenant, la vérité est sur le terrain. Si tout se passe bien sportivement, il n'y a donc aucune raison que ça ne se passe pas bien avec « Loulou ». C'est un président attachant, et ce pour plusieurs raisons. C'est quand même lui qui a construit Montpellier, donc il y tient. Il m'a fait confiance pour essayer d'amener le navire à bon port, donc il faut s'attendre à beaucoup d'exigence. Il a son caractère, son franc-parler mais il sait aussi ce qu'il veut. Donc à nous de travailler dans la meilleure osmose possible. L'exigence n'exclut pas que l'on puisse avoir du plaisir. Et si j'étais venu ici avec des arrière-pensées, je ne serais pas venu.
Allez-vous vous mettre tout de suite au travail ou prendre un peu de vacances ?
J'ai eu la chance de passer une année cool, même si je suis resté attentif au monde du football. Mais vraiment en toute décontraction. Donc les vacances pour moi c'est terminé, je me replonge dedans, d'autant que je m'attaque à une partie intéressante : façonner un groupe, le mettre en place, préparer la saison, les stages, faire connaissance avec le club et s'immerger dans sa vie. Tout ça est important. Pour le reste, j'ai eu le temps de récupérer. J'ai mis les doigts dans la prise pendant un an. A moi d'apporter toute cette énergie au niveau du club.
source Football 365